Allegro con brio, LE PHARE D’ONIVAL.
« On dirait qu’il nous appelle à l’aide… »
Grégory Buchert, mardi 30 avril 2024 dans un message WhatsApp. Je lui réponds : En code morse c’est : « victoire ! », et, j’ajouterai aujourd’hui que la célèbre cellule rythmique de la 5e symphonie de Beethoven avait déjà anticipé son code maritime.
Trois occultations et un long, code visuel bicolore, blanc et rouge, d’une périodicité de douze secondes. Le phare d’Onival, avec ses pieds sur la falaise de craie à soixante-quinze mètres au-dessus du niveau de la mer, la dépasse de vingt-huit mètres supplémentaires. Il se situe sur la première élévation en venant des dunes depuis Boulogne-sur-Mer, alors que, venant de l’autre côté, depuis le cap de la Hève, il est le dernier point haut lithique, juste avant la descente vers les hâbles des bas champs de la baie de Somme.
Installé dans une zone transitoire, bien que hyper-spécifique, une personne sur deux interrogée le situe alternativement sur la côte d’Albâtre ou sur celle d’Opale. De ce point de vue, il n’est ni le jumeau du feu maritime d’entrée de port du Tréport à l’ouest-sud-ouest, que les uns associent à la première, ni partagerait, selon les autres, la côte d’Opale avec son phare de Brighton au nord-est. Il est in-confondable, construit à l’intérieur des terres, un phare au paradis, pour les fins de carrière, dit-on, enfin, paisible a priori, évitant le purgatoire, à cheval entre terre et mer, ou littéralement l’enfer. Les constructions infernales étant complètement exposées aux éléments déchaînés. La mer.
Deux événements quasi contemporains de la fin du 20ᵉ siècle changeront radicalement la donne : d’abord, l’invention ou plutôt la démocratisation du GPS, puis l’automatisation généralisée des phares en France. Le premier relègue le phare, le feu (physique), le pháros [gr. : φάρος] millénaire, en tant que repère terre-mer et premier signal visuel pour l’orientation du navigateur, au second rang. Physiquement, il ne jouera plus que le rôle de fournir une information redondante par rapport au GPS et ne servira plus que de backup. Le deuxième événement est l’obsolescence d’une part programmatique, autrefois essentielle pour l’activité connexe au phare, celle de l’habitat du gardien du phare, sa maison, qui est souvent aussi celle de sa famille, permettant d’assurer une permanence sur site pour le bon fonctionnement de l’installation. Une fois automatisée, celle-ci n’est plus indispensable et tombe ainsi rapidement en désuétude.
Ce sommeil de la Belle au bois dormant d’Onival durera plusieurs décennies. De municipalité en municipalité, personne n'a d'idée précise de ce que l’on pourrait faire de ces trois bâtisses anciennement, la maison du gardien du phare, l’atelier et le pigeonnier. On ne les aère plus, on n’en prend plus soin, la mérule s’y installe. Ils finissent par ne plus inviter quiconque à en faire une chose désirable.